François Morel, une création au théâtre de l’Olivier

Théâtre

Groom dans « Palace », pensionnaire des « Deschiens », Michel Vidal dans « Baron noir », chroniqueur sur France Inter… Le riche parcours artistique de François Morel passe aussi par la chanson. Habitué des planches du théâtre de l’Olivier, le comédien, à l’invitation de la régie culturelle Scènes & Cinés, y est en résidence pour la création, dimanche, de « Tous les marins sont des chanteurs », un spectacle musical d’après les chansons d'un marin breton, Yves-Marie Le Guilvinec, disparu en mer en 1921 à l'âge de 30 ans. Un spectacle coécrit et interprété avec Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur, à qui l’on doit notamment les films « Vive la sociale », « Fucking Fernand » ou « Le grand retournement ».

----------------------

Rencontre avec deux forts tempéraments.

Après l’album et la biographie, c’est la transposition sur scène ?

François Morel : On a tout fait un peu en même temps. Le spectacle devait être créé en Bretagne il y a longtemps. Et on le crée à Istres.

Gérard Mordillat : Qui est le sud de la Bretagne, un joli port de pêche.(sourire)

F.M : Mais je pense que ça parlera autant aux gens d’Istres qu’aux Bretons.

G.M. : C’est une histoire universelle.

D’où est venu ce projet ?

G.M. : La genèse a été la redécouverte fortuite, mais il n’y a pas de hasard comme disait Rimbaud, d’une très vieille revue dans laquelle il y avait des chansons d’Yves-Marie Le Guilvinec.

F.M : C’était dans un vide-greniers à Saint-Lunaire, pas très loin de Saint-Malo. Je passais quelques jours chez Gérard. J’ai vu ce recueil de textes avec, en couverture, les paroles de « La Cancalaise », que chantait mon oncle Octave. C’est pour ça que je me suis intéressé à cette œuvre.

Comme une réminiscence de votre passé ?

F.M. : A l’époque, je n’en avais pas entendu parler. Je ne suis pas le seul.

G.M. : C’est souvent un défi que se posent les historiens. C’est formidable de se dire qu’on va faire la biographie de quelqu’un qui, a priori, a disparu dans le néant de l’Histoire. Là, c’était un grand challenge car il fallait restaurer les textes. La revue était assez endommagé et François a fait tout un travail d’adaptation. Et nous n’avions pas les musiques. Donc, Antoine Sahler a fait des recherches pour composer une musique vraisemblable au regard des traditions de l’époque de Le Guilvinec.

Un marin qui écrit des chansons, pourquoi conjuguait-il ces deux activités ?

F.M. : Je crois, parce qu’il avait ce talent-là. C’était sa fonction aussi bien sur les bateaux que quand il revenait au port. Cela nous a parlé parce que ça parle de nos vies, de séparation, des retrouvailles, d’amour, d’amitié, de ces grands thèmes avec la force de l’éloignement. Ils partaient souvent pendant des mois entiers, loin de chez eux. Il avait donc le temps de peaufiner son écriture et d’être au plus près de ce que son coeur lui disait.

C’était des marins pêcheurs ?

G.M : Quand ils allaient pêcher la morue sur les grands bancs de Terre-Neuve, c’était huit-dix mois d’éloignement. En même temps, il y a une immense tradition de chansons de marine, non seulement en France mais en Angleterre, en Irlande, en Islande.

Avec ce destin tragique, mort à 30 ans, en mer ?

G.M. : Oui. Il est mort comme meurent beaucoup de marins malheureusement, à cette époque-là encore plus. Il était sur un doris, une petite embarcation. Le capitaine du bateau a vu le doris se retourner et plus rien. Ils étaient perdus pour toujours. Nous sommes allés dans les grands fonds pour les ressortir.

Quelle forme scénique avez-vous adopté ?

F.M. : C’est une conférence chantée. Gérard fait le conférencier, moi le chanteur. On est accompagné par des complices : Antoine Sahler, avec qui je travaille depuis une dizaine d’années ; Amos Mah, qui est violoncelliste et guitariste ; et Muriel Gastebois, qui est percussioniste.

Et avec le concours d’une chorale istréenne constituée sur place ?

G.M. : Nous essayons, dans tous les endroits où nous nous produisons, de solliciter un choeur qui vient chanter sur scène avec nous. C’est important que la population se sente impliquée. Le chant est l’expression par excellence de la poésie populaire.

F.M. : Là, ce sera un choeur d’hommes. Et ça va être très beau. On a répété hier, jeudi.

Cela fait une quinzaine d’années que vous menez la chanson en parallèle du théâtre. Quel a été le déclic ?

F.M. : J’adore la chanson. J’écoutais Moustaki, Brassens, Brel, Barbara quand j’avais une dizaine d’années. J’ai essayé de faire de la guitare mais j’y arrivais pas. Donc je me suis rabattu sur le métier de comédien. En fait, j’ai rencontré un musicien, Reinhardt Wagner, qui m’avait proposé de chanter des chansons de Roland Topor. C’était drôle, bien écrit, la musique formidable. Jean-Michel Ribes a été au courant et m’a proposé de les chanter au Théâtre du Rond-Point. J’ai dit oui à condition qu’il fasse la mise en scène. Comme ça, si vraiment le chanteur était trop épouvantable, le comédien essaiera de sauver la soirée. En fait, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Ensuite, Reinhardt s’est plus consacré à la musique de films, car c’est plus son activité principale. C’est là que j’ai rencontré Antoine Sahler et on a continué. C’est en parallèle.

Vous aussi, vous avez plusieurs activités artistiques.

G.M. : François et moi, nous sommes des artistes de variété. Comme Michel-Ange, qui faisait de la peinture, de la sculpture, de l’architecture, qui écrivait des sonnets. Il ne faut rien se refuser. La vie est trop courte pour apprendre l’allemand, autant en profiter pour faire du théâtre.

- « Tous les marins sont des chanteurs », dimanche 7 novembre à 17h au théâtre de l’Olivier. Durée : 1h30. Réservations : 04 42 56 48 48, www.scenesetcines.fr

- Samedi 6 novembre à 11h : Rencontre avec François Morel et Gérard Mordillat à la librairie L'Arbre-monde. Le livre écrit avec Gérard Mordillat et Antoine Sahler est édité chez Calmann Lévy. Un CD est également sorti à l'automne.