La Base aérienne 125 Istres au cœur de l'exercice ORION23

BA 125

Le vol programmé ce mercredi 1er mars 2023 depuis la base aérienne 125 Charles-Monier ressemblerait presque à une destination commerciale. Mais, une fois rendu au pied de l’immense A330 Phénix, où un adulte peut tenir debout dans les réacteurs, l’illusion est vite dissipée. Le fuselage est peint en gris, flanqué en grosses lettres noires de la mention « Armée de l’air ». Descendant la passerelle pour effectuer les ultimes contrôles de l’appareil au sol, le commandant Mohamed (*) arbore la tenue verte des aviateurs pilotes. Une fois à bord, le doute n’est plus permis : c’est le sergent-chef Kevin, lui aussi en tenue militaire, qui est le chef de cabine. L’immense avion, dérivé du modèle civil initial, l’A330-200, se présente à nu aux deux-tiers, délesté de ses rangées de sièges. Seul l’arrière reste configuré pour faire asseoir les passagers. Plus de doute : nous sommes bien à bord d’un de ces fameux MRTT, l’acronyme de Multi Role Tanker Transport.

Depuis 2020, cet avion polyvalent remplace peu à peu les vénérables Boeing KC-135 qui officiaient depuis 1964 comme avions ravitailleurs des chasseurs en mission. Basé à Istres, l’escadron Bretagne est déjà doté de neuf aéronefs. Une flotte qui sera portée à douze d’ici la fin de l’année 2023. Non loin de là, six Boeing restent en activité, appelés à être retirés simultanément du service.

L’avantage du Phénix, c’est bien la multiplicité de ses usages. Il reste la station-service volante de l’Armée de l’air et de l’espace mais avec un potentiel largement augmenté. L’A330 version militaire permet aussi le transport de troupes, jusqu’à 270 personnes assises, de matériel et sait aussi se transformer en hôpital aérien une fois installé le module Morphée, comme cela a pu être expérimenté pendant la pandémie de Covid-19.

Ce jour-là, c’est bien une mission de ravitaillement qui est au programme. Istres est actuellement au cœur de l’exercice Orion 23. Cette « Opération de grande envergure pour des armées Résilientes, Interopérables, Orientées vers le combat de haute intensité et Novatrices » a été initiée en 2021 mais la dégradation accélérée du contexte international en 2022 a hélas confirmé sa pertinence. Exercice interarmes, il est inédit par son format. Porté par la France, il s’inscrit dans la défense collective de l’Otan.

Orion 23 s’inspire d’un scénario développé par l’Otan. Il permet d’appréhender les différentes phases d’un conflit moderne. L’exercice, qui en comprend quatre, se situe actuellement dans la phase deux. Il s’agit de rétablir la sécurité dans un pays attaqué par une puissance voisine. Le vol de ce mercredi 1er mars consiste à effectuer deux missions de ravitaillement en vol successifs.

Il est 13h30 quand le gros porteur s’envole, direction une zone située entre Perpignan et Toulouse. En à peine une demi-heure, il survole déjà les Pyrénées aux sommets enneigés. Patientant en faisant des cercles, le Phénix est d’abord rejoint par des Rafale biplaces et des Mirage 2000 qui, à tour de rôle, viennent s’arrimer au pod de chargement du carburant. Le remplissage des réservoirs depuis les ailes de l’A330 vers les chasseurs prend quelques minutes, durant lesquelles les deux avions sont très proches.

Dans la cabine de pilotage, à une vitesse de 500km/h et une altitude 7500 pieds, la concentration est maximale pour le commandant de bord et sa copilote. Leur tournant le dos, l’opérateur Damien a le regard rivé sur les écrans de contrôle. C’est, là aussi, un énorme changement pour cet adjudant-chef qui travaillait avant sur Boeing. Finie la posture allongée à plat ventre à l’arrière de l’avion pour manier à vue les manettes. C’est désormais assis et face à des claviers qu’il supervise une opération qui n’en demeure pas moins à haut risque.

Il est 14h50 quand les six premiers chasseurs repartent. La grande capacité de stockage de l’A330, jusqu’à 80 tonnes de carburant, lui permet de rester dans le même périmètre jusqu’à l’arrivée, à 15h50, de quatre autres Mirage 2000-D. A nouveau, le tuyau souple est déployé depuis les deux ailes avec, à son extrémité, un panier-parachute dans lequel la perche des avions de chasse se fixe. Depuis les hublots, la manœuvre est impressionnante. Il est 16h20 quand le dernier remplissage s’achève et, avec lui, la mission du jour.

Le retour sur le tarmac istréen, à 16h53, est la conclusion d’une journée exceptionnelle vue de l’extérieur. Le quotidien d’hommes et de femmes d’exception au service de la sécurité de la nation et de ses alliés.

(*) Par souci de confidentialité, seuls les prénoms des aviateurs en mission sont communiqués.